Henri : au front dans un Régiment d'Artillerie de Campagne
Le 22 juillet 1921, à 13h46, arrive en gare de Pierrelatte un bien lugubre convoi : deux cercueils contenant l'un les restes mortels d'Emile Dubout, soldat au 4ème Régiment du Génie, tombé le 1er janvier 1915 au bois de Marbotte, dans la Meuse, l'autre ceux d'Henri Didier, 2ème canonnier conducteur * au 266è RAC, tué à Pourcy, dans la Marne le 6 juin 1918 ,rentrent au pays. Ils étaient arrivés la veille à Valence,avec le 7ème convoi de corps.
L'accueil est solennel, en grandes pompes, et ce retour marquera à jamais une petite fille de 8 ans, qui l'évoquera toute sa vie. Cette fillette, c'est Henriette, la fille de Henri.
Les circonstances du décès d'Henri restent nébuleuses. Il fut victime, comme l'attestent le JMO du 2ème groupe et celui de la 44ème batterie, de l'explosion prématurée d'un obus de 155. En ce mois de juin 1918, la montagne de Reims est un véritable "nid à canons" surchauffé : les Allemands ont enfoncé le front et les artilleurs ne ménagent pas leur peine. Erreur humaine ? Problème technique ? Un obus de 155 tiré par le 2ème groupe du 107 RAL éclate prématurément, tuant deux conducteurs du 266ème RAC, Henri DIDIER et Marcellin Maurice REY natif de Sonnay, dans l'Isère, et en blesse grièvement un troisième, lui aussi originaire du nord Isère.
La 44ème batterie du 266ème RAC, à l'origine 4ème batterie du 6ème RAC , 2ème groupe, a quitté Valence le 7 août avec les 8 autres batteries de 75 qui y sont casernées. Les 10ème et 12ème batteries sont, quant à elles, casernées à Grenoble. Le 6ème RAC, artillerie du 14ème Corps d'armée, combat dans les Vosges : Badonvilliers, le Donon, la Chipotte. Le 7 août 1915, le groupe passe à la 154 DI en compagnie du 4ème groupe et constitue ainsi pour partie l'AD 154. En 1915, ce furent les offensives d'Artois : Neuville St Vaast, Souchez, Vimy.
Mars 1915 Paul, blessé à la cuisse devant Sulzern est évacué.
18 octobre : Rémy tombe, à quelques kilomètres, peut-être moins, de l'endroit où est postée la batterie de son frère. On peut imaginer sans peine que ce dernier se soit rendu sur sa sépulture provisoire.
Janvier à Mars 1916 : Henri, à l'AD 154 est toujours en Artois. En juin, c'est la bataille de Verdun. Cette année-là, il prit le temps, très vraisemblablement en permission de se faire photographier à Dijon. Vint ensuite, en 1917, l'Aisne. En avril-mai, le régiment qui a pris le 1er avril le nom de 266ème RAC épaule l'infanterie au trop fameux Chemin des Dames.
Au printemps 1918, lors de la bataille de l'Empereur, le régiment est dans les Flandres avant de gagner la montagne de Reims** où Henri perdit la vie, laissant une veuve et une orpheline de 5 ans. Il y gagnera citation, croix de guerre et médaille militaire à titre posthume.
Printemps 1918 : Paul, en Italie, est évacué pour maladie, puis fin juin pour une hernie inguinale qui le tiendra éloigné des combats jusqu'à l'armistice.
* Les artilleurs étaient formés pour être à la fois servants et conducteurs, de façon à pouvoir se remplacer les uns les autres et permettre à la pièce de fonctionner même en cas de coup dur (artilleurs tués,... ). Les servants préparent, distribuent les munitions, tirent, ... Bref, ils servent la pièce. Les conducteurs conduisent l'attelage, mettent en place la pièce d'artillerie, le caisson et s'occupent des chevaux.
Henri, robuste paysan, sachant manier les chevaux était donc tout désigné pour être conducteur.
** Dans la précipitation et l'urgence du moment, les groupes du 266ème RAC sont mis à disposition des unités au contact, unités n'appartenant pas forcément à sa DI ou à son CA, comme les Anglais, ou le 1er corps de cavalerie
DI : Division d'infanterie
AC : artillerie de corps d'armée, AC14 : artillerie du 14ème Corps d'Armée
AD : artillerie Divisionnaire
RAC : Régiment d'Artillerie de campagne
RAL : Régiment d'Artillerie Lourde
JMO : Journal des Marches et Opérations, sorte de journal de bord d'une unité
Merci à Florian "Turpinite" pour son petit cours sur la polyvalence des canonniers, à Jean-Luc Dron d'avoir mis en ligne sur son site les historiques des 6ème et 266ème RAC, et aux personnes qui se sont chargées de la saisie des dits historiques.
Sur les canons : canons de la Grande Guerre