Un air d'Italie
L'on n'est pas obligé de partager les positions politiques qui furent celles de Guiseppe Ungaretti, poète italien engagé volontaire dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale. Mais l'on n'est pas non plus obligé, du fait de ces mêmes positions, de rester sourd à ses mots qui parlent avec force et sobriété de douleur et de fraternité. La mort des hommes, les ruines des villages, l'impossible oubli. Par-delà les frontières, les cultures, d'un front à l'autre. " Les larmes se ressemblent" écrivait Aragon, dans un poème sur l'occupation de la Ruhr. Les hommes se ressemblent.
Frères
De quel régiment
Frères ?
Frères
Mot qui tremble
Dans la nuit
Feuille à peine née
Dans le spasme de l'air
Révolte involontaire
de l'homme présent à sa
fragilité
Frères
Mariano, 15 juillet 1916
San Martino del Carso
De ces maisons
il n'est resté
que quelques
moignons de murs
De tant d'hommes
selon mon coeur
il n'est même pas
autant resté
Mais dans le coeur
Aucune croix ne manque
C'est mon coeur
le pays le plus ravagé
Valloncello dell'Alberto Isolato, 27 août 1916
Guiseppe Ungaretti - in Vie d'un homme. Poésie 1914-1970, Paris, Gallimard